
"Dès les débuts du genre romanesque, l’histoire en représente un ingrédient fondamental. Mais il faut attendre le XIXe siècle pour parler véritablement d’une vogue du « roman historique », lequel constitue désormais un (sous) genre à part entière. Tout aussi goûté que le « roman de moeurs », le roman historique connaît un triomphe fulgurant chez les amateurs de feuilletons populaires comme chez les lecteurs d’ouvrages aux visées plus élitistes. Son éventail est donc immense, de l’histoire romancée fourmillant en anachronismes, alibi de nouvelles toiles de fond pour un lectorat boulimique et parfois peu regardant, à l’histoire soigneusement documentée, servie par de fines plumes utilisant
la séduction romanesque pour éclairer les liseurs sur des questions historico-politiques. Si quelques romans historiques rédigés par des auteurs reconnus dans le champ littéraire sont passés à la postérité, les autres ont été oubliés. Le « roman historique » a entraîné nombre de plaisanteries au XIXe siècle telles que celle-ci : « C’est étonnant, disait il y a quelques jours, un pauvre diable, leurré dans son savoir par ses lectures romanesques, à un publiciste de notre connaissance, qui lui racontait le stratagème employé par César pour faire franchir le Rubicon à ses soldats ; j’ai lu considérablement de romans historiques, et je n’ai jamais vu ce que vous me racontez là. — Parbleu, répondit notre logicien, s’il y avait de l’histoire dans les romans, on n’aurait pas besoin de faire du roman dans l’histoire. » (Louis Deguin, Des romans et de leur influence, 1866.)"
Agnès SANDRAS